Tour du monde d'Est en Ouest

Philippe MONNET

Jean-Luc Van den Heede


 

 

Philippe MONNET

 

Philippe Monnet, 41 ans, a franchi le vendredi 9juin 2000, à 11 heures 50 minutes 32 secondes, la ligne entre Ouessant et Cap Lizard.

Il était parti le 9 janvier dernier de Brest pour ce tour du monde à l'envers, c'est à dire contre les vents et les courants dominants.
Le temps officiel de sa traversée sur son monocoque Open 60 pieds "Uunet" est donc de :

151 jours 19 heures et 54 minutes,

soit 9 jours 20 heures et 37 minutes de moins
que le précédent détenteur Mike Golding (en 1993).

Six ans ont été nécessaires pour trouver les financements de ce grand projet de course autour du monde et trois ans pour le mener à bien !



L'ARRIVEE
(à partir d'Extraits du Télégramme de Brest du 10 juin 2000)

 11 h 50' 32'' : Philippe Monnet vient de franchir la ligne imaginaire située entre le phare du Créac'h à Ouessant et le Cap Lizard. Le record détenu par le Britannique Mike Golding vole en éclats de presque dix jours. L'exploit est d'autant plus grandiose que ce tour du monde, contre les vents et courants dominants, est la route maritime la plus difficile qui soit. Comme disent tous les marins du globe, « le tour du monde à l'envers, c'est deux fois la route, trois fois la grogne et quatre fois les emm.... » Et, en prendre plein la gueule, Monnet, lui, il adore.

15 h 40 : le monocoque passe devant le phare du Petit Minou, accompagné d'une nuée de bateaux-spectateurs. Le trimaran à moteur d'Olivier de Kersauson et La Recouvrance sont là. Accueil en grande pompe également de la part des bateaux-feux de la Marine. Après un petit tour en rade de Brest, histoire de faire durer encore le plaisir, Philippe Monnet lance un dernier regard vers le large, là-bas où il a tant souffert.

18 h : cinq mois pile après son départ « entre rêve et cauchemar », avouera-t-il plus tard, le nouveau recordman du tour du monde à l'envers vient amarrer son monocoque au Moulin-Blanc. Sur le même ponton. La boucle est bouclée, une grande aventure se termine.
Les micros se tendent, les caméras tournent, les stylos s'affolent. Bousculades... Sur le ponton, des visages connus. Des marins (Loïck Peyron, Gérard d'Aboville, Bertand de Broc, Philippe Poupon, Florence Arthaud), son parrain (Raphaël Mezrahi) des amis (Fred Beauchêne, Jacques Laffite, Hubert Auriol, Hugues Aufray), des complices (Pierre Lasnier, son ange-gardien de routeur), mais également des anonymes. Parmi eux, et légèrement en retrait, Olivier, gréeur-mateloteur, qui ne rate pas une miette de la fête. Plus que la héros du jour, c'est le bateau qui attire son regard : « Il est comme neuf, on a l'impression qu'il revient d'une régate en rade. C'est incroyable », s'exclame-t-il. C'est lui qui s'est occupé de tous les cordages d'« UUNET » et la veille du départ, il était encore à refaire une bosse de ris.
Monnet se laisse envahir par l'émotion : « Eh bien, bonjour Brest ! Je suis ému et bien content de vous revoir, surtout avec cette ambiance. C'est une grande émotion pour moi et c'est le plus beau jour de ma vie. C'était une belle aventure, mais je n'y retournerai pas. Je reviens de loin ».


Les quarantièmes à rebrousse-poil Article de Claude DUBILLOT (Sud-Ouest 10 juin 2000)


Peu de navigateurs ont réalisé l'exploit. Encore moins en solitaires et encore moins sans escale


Le Tour du monde à l'envers à la voile. Dans ce siècle, quelques navigateurs l'ont tenté dans le sillage de Marcel Bardiaux, qui de 1954 à 1958, l'accomplit, comme le marin têtu qu'il était, en quatre ans. Le temps d'une foule d'escales et d'une étude approfondie des difficultés que rencontre un navigateur dans ces entreprises. Il fut le premier à passer le Cap Horn à contre-sens et mit un bon mois pour le faire : le temps pour son « Quatre vents » de chavirer trois fois et d'accomplir dans le dédale des canaux de Patagonie une navigation erratique contre des vents déments, des courants contraires puissants, resserrés dans l'entonnoir qui sépare le Horn de la terre de Graham, et dans une mer énorme, soulevée par les hauts fonds du détroit de Drake.
Ca, c'était la première difficulté d'un tour du monde d'Est en Ouest, celle qui se présentait aux clippers d'avant le canal de Panama, d'avant les rails sur la prairie américaine : au temps de la ruée vers l'or, les aventuriers de l'est étaient si pressés d'atteindre les mines de Californie, qu'ils dépensaient des fortunes et risquaient leur vie pour gagner quelques semaines, sur des clippers taillés pour la vitesse, avec des équipages très qualifiés, aux salaires élevés.
Le Cap Horn était ainsi, selon les cartes de l'amirauté britannique au 19e siècle, une route très fréquentée, alternative des chemins classiques de la navigation commerciale pendant les mois de décembre, janvier et février, l'été austral. Autant qu'il puisse y avoir un été, dans les quarantièmes sud. Mais souvent, les capitaines renonçaient et préféraient un tour complet du monde dans l'autre sens.
Le « Cap dur » passé, la route continue. Par Leeuwin et Bonne- Espérance. C'est tout autour du monde qu'il faut négocier avec le grand souffle d'ouest et les courants qu'aucun continent n'arrête.
Peu de solitaires ont tenté l'exploit. Le premier à réaliser ce tour de force fut Joshua Slocum, entre 1895 et 1898.
Le commandant au long cours, en retraite dans la région de Boston, avait mis trois ans à reconstruire une épave qui devint le « Spray ». Après avoir gagné l'Europe comme pour partir vers l'Est, il rebroussa chemin et rejoignit le Pacifique par le détroit de Magellan. Mille jours, et vingt escales plus tard, il revint à Martha's Vineyard son tour du monde accompli.
Peu d'autres ont suivi. Parmi eux, le Français Louis Bernicot, à bord de son « Anahita » de 1936 à 1938, qui passa lui aussi par le détroit de Magellan. Marcel Bardiaux, bien sûr, qui sema trois- cents escales sur sa route, et fut le premier à passer le Horn à rebrousse-poil.
Chay Blyth, ancien Marine britannique, allait réaliser le premier tour du monde dans ce sens sans escale en 292 jours. Un mois de moins que le temps établi, dans l'autre sens, par Sir Francis Chichester. Et premier record, en 1970-71, à bord du ketch « British steel ».
Depuis, Mike Golding a réalisé le même exploit en 161 jours et 16 heures. Philippe Monnet vient de le battre de dix jours sur l'ancien « Fleury-Michon », soixante pieds de Philou Poupon.


 

Les débuts et un beau palmarès :

Comme d’autres navigateurs, Monnet croise le chemin d’Eric Tabarly avec lequel il navigue sur le trimaran « Paul Ricard » en 1984. Il a 25 ans et tire profit des leçons et de la philosophie d’un tel maître à naviguer, mais rêve déjà de se coltiner seul avec les éléments. Et il place la barre très haut en se lançant dans une circumnavigation en multicoque en 1987. Le Tour du monde sur « Kriter », un trimaran racheté à Kersauson, est son premier grand Défi et son voyage initiatique dans les mers du Sud. Il rentre à Brest en héros, le week-end de Pâques 1988, après avoir au passage amélioré le record d’Alain Colas sur « Manureva » de quatre jours.
Le Cannois, plus attiré par l’aventure et la griserie de la vitesse que la compétition pure, enchaîne alors les records sur les grandes routes maritimes :

- 1979 : 1ère Transat en double Lorient - Les Bermudes;
- 1984 : Vainqueur de la Transat Québec - Saint-Malo (second d'Eric Tabarly);
- 1985 : Vainqueur du Triangle du Soleil et de toutes les épreuves méditerranéennes en
             Half-Tonner;
- 1986 : Deuxième du Championnat du Monde de 8 Mètres J;
- 1987 : Record du tour du monde en multicoque et en solitaire en 129 jours 19 H et 8 mn;
- 1989 : Record New-York - San-Francisco en multicoque et en solitaire 81 jours et 5 heures
             (toujours détenu par Philippe Monnet);
- 1990 : Record Hong Kong - Londres en multicoque et en solitaire en 67 jours 10 H et 26 mn
             (toujours détenu par Philippe Monnet);
- 1998 : Sixième de la Route du Rhum en monocoque sur « UUNET ».

 


Les félicitations :

Jacques Chirac n'a pas tardé à adresser ses plus admiratives et chaleureuses félicitations, en saluant notamment cette aventure humaine exceptionnelle : "Rares sont les défis où le courage, la détermination et l'engagement total trouvent leur juste récompense. Je suis persuadé que vous allez fêter dignement ce retour à terre avec tous vos amis, vous qui équipier de Tabarly et de Kersauson, faites désormais partie du cercle très fermé des plus grands navigateurs.

Bruno Peyron a qualifié d'exceptionnelle la performance réalisée par Monnet. "S'il devait y avoir un type assez fada en France pour le faire, ça devait être Philippe, et il a réussi une fois de plus" a ajouté le skipper baulois.

Le britannique Mike Golding, qui dispute actuellement la Transat anglaise, a rendu également hommage, par téléphone satellite, à celui qui vient de battre le record qu'il détenait : "C'est fantastique! Je suis en train de traverser l'Atlantique avec le vent de face et ce n'est déjà pas facile alors imaginez le tour du monde! Je suis ravi que Philippe y soit parvenu. J'ai détenu le record pendant six ans et un record est fait pour être battu. Une chose est sûre, je ne tenterai pas de battre celui de Philippe! Faire le tour du monde à l'envers une fois, cela suffit!"

Le « Rambo des mers », comme le baptise Loïck Peyron, s’en est une fois de plus sorti après avoir vécu des galères effroyables. « Pour réussir une telle aventure, il faut être une teigne et Monnet est une vraie teigne », dit Gérard d’Aboville qui sait de quoi il parle. Monnet, qui est allé au bout de son histoire et réussi son Everest, nous a tous bluffés !


 Ses projets maritimes :

        Se relancer dans le monde des courses transocéaniques à bord d'un nouveau multicoque. Cela passe bien évidemment par la recherche d'un sponsor et plusieurs mois de chantiers ! (déclaration sur Canal+ le 14 juin). Tout juste revenu de son périple autour du monde à l’envers en solitaire et sans escale, Philippe Monnet vient de confirmer qu’il revient à ses premières amours : grâce au soutien de Sopra Group, il fait construire un nouveau plan Lombard pour la saison 2002.


 

Avec comme partenaire la société Sopra Group spécialisée dans le conseil et l’intégration de système, Philippe Monnet a les moyens de ses ambitions pour un programme de quatre ans (2001-2004) où il participera à toutes les épreuves du Championnat 9-Telecom. Les moules sont déjà en cours de construction et le trimaran sera réalisé par Mag Ocea pour une mise à l’eau fin mars 2002. Ce plan Lombard est totalement original puisqu’il ne reprend aucun des moules de Banque Populaire. Jacques Delorme est pour l’instant le seul équipier officiellement annoncé.
Sopra Group qui sera gréé par Espace Composites et voilé par Elvström ne semble pas explorer de voies nouvelles car le skipper vise une progression par étapes avant d’espérer des résultats. Philippe Monnet est donc actuellement le seizième skipper de multicoque annoncé dès aujourd’hui pour la saison 2002.

Caractéristiques de Sopra Group :
Longueur HT : 21,00 m
Longueur de coque : 18,28 m
Flottaison : 18, 10 m
Largeur HT : 18,75 m
Largeur entre axes : 17,75 m
Tirant d’eau : 5,30 m
Déplacement lège : 5 100 kg
Grand voile : 169 m²
Génois : 117 m²
Gennaker : 230 m²

 


Le Record de Mike Golding (1993-1994) 
(en 161 jours 16 H  et 32 mn)
battu de presque 10 jours !



Philippe Monnet à bord de son monocoque "Uunet".

 

 


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